Le problème des universaux Chez Thomas D'aquin, Vu Avec Des Lunettes Analytiques1

The problem of universals in Thomas Aquinas, seen with analytic glasses

Alejandro Pérez
Instiut Jean-Nicod (CNRS-EHESS-ENS), France. Doctorando de filosofía en el Institut Jean-Nicod-EHESS (París). Investigador asociado a la Universidad Sergio Arboleda, donde dirige la red Tomismo analítico. Se encuentra traduciendo el libro Après Wittgenstein, saint Thomas de Roger Pouivet y ha traducido varios artículos sobre el tomismo analítico y la filosofía analítica. Sus áreas de trabajo son: la metafísica, la ontología, la filosofía de la mente, la filosofía analítica de la religión y la teología analítica.
Dirección Postal: Institut Jean-Nicod (CNRS-ENS-EHESS), 29 rue d'Ulm, 75005 Paris, France.
E-mail: alejotou@gmail.com

Recibido: noviembre 13 de 2014
Aprobado: diciembre 22 de 2014


Résumé

Dans cet article, nous nous proposons d'aborder le problème des universaux chez Thomas d'Aquin avec des lunettes analytiques (pour reprendre la célèbre expression de Jonathan Barnes). à partir du critère sémantique de Peirce repris par Armstrong, nous présenterons une nouvelle lecture de la position de Thomas, notamment à partir du De ente et essentia. Nous introduirons par la suite la thèse de Thomas d'Aquin dans les discussions contemporaines, afin de révéler la difficulté de classer Thomas d'Aquin comme un simple réaliste, voire universaliste. Notre objectif est alors de présenter une nouvelle lecture de la position de l'Aquinate, tout en montrant comment et pourquoi elle pourrait se présenter comme une solution prometteuse dans la discussion du problème des universaux.

Mots-clés: nominalisme de ressemblance; tropes; universaux; réalisme; thomisme analytique.


Abstract

In this paper, we propose to study the problem of universals in Thomas Aquinas with ''analytic glasses'' (according to the famous phrase of Jonathan Barnes). Starting with the semantic criteria of Peirce used by Armstrong, we propose to present a new reading of the position of Thomas, especially of the De ente et essentia. We introduce the thesis of Thomas Aquinas in contemporary discussions highlighting the difficulty of classifying Thomas Aquinas as a realist or as a universalist. Our main goal is thus to present a new reading of the position of Aquinas, while showing how and why his thesis might be a promising solution in the discussion of the problem of universals.

Keywords: Ressemblance Nominalism; Tropes; Universals; Realism; Analytical Thomism.


Introduction au problème

Le réalisme est une longue et vielle discussion2. Le terme «universaux» provient étymologiquement du grec «τò ὅλον», et ce dernier se traduit en français par «tout» ou «totalité3». Ce qu'on appelle «le problème des universaux» ou la «querelle des universaux4», c'est ce que l'histoire de la philosophie médiévale a rencontré dès son début5 (Libera, 1996, p. 11). Le problème renvoie à l'Isagogé de Porphyre et puis au commentaire de Boèce. Ce n'est que récemment et grâce aux travaux de David Malet Armstrong que le problème des universaux n'appartient plus à l'histoire de la philosophie médiévale mais à la philosophie contemporaine - sans pourtant négliger l'influence des travaux d'autres philosophes comme Russell, Meinong, Quine, Goodman, Strawson, Chisholm, H. H. Price et Wilfrid Sellars. Rodriguez-Pereyra confirme cette révolution philosophique:

«La métaphysique, après avoir été remplacée par les courants dominants dans la philosophie anglo-saxonne du XXe siècle, a réussi à retourner au centre de la scène. Et un des sujets et problèmes avec lequel elle est retournée au centre de la scène est un des plus anciens problèmes de la métaphysique, celui des universaux. Depuis que David Armstrong publia ses deux volumes sur ce thème en 1978, le problème des universaux a été un des plus discutés dans la métaphysique» (Rodriguez-Pereyra, 2003, p. 16).

Donc, «les questions qui préoccupaient les médiévaux n'étaient pas seulement, après tout, des problèmes d'interprétation de textes. à vouloir ainsi les réduire, on en rate malencontreusement l'essentiel sur le plan philosophique» (Panaccio, 2012, p. 9-10).

Afin de comprendre le problème des universaux, il est important de fonder notre discussion sur un critère. Le critère que nous adoptons pour notre recherche est la distinction classique du philosophe C. S. Peirce, entre occurrence (token) et type (type). Celui-ci est le choix effectué par David M. Armstrong dans son livre Les universaux, une introduction partisane (2010). Pour le philosophe australien, ce critère établit «une distinction que presque tous les philosophes contemporains acceptent» (Armstrong, 2010, p. 13). En quoi consiste-t-il? Examinons l'exemple tel qu'il est présenté par Armstrong:

«à la suite de Pierce, prenons un exemple sémantique. Examinons le cadre suivant:

Maintenant, posons-nous cette question: combien de mots y a-t-il dans ce cadre? Il est évident que la question admet deux bonnes réponses: il y a ici deux mots; il n'y en a qu'un seul. Peirce aurait dit qu'il y a deux occurrences du même type7» (Armstrong, 2010, p. 13-14)

Les philosophes qui acceptent qu'il y ait deux occurrences du même type sont appelés réalistes (Ibid. p. 17-18) car «l'on dit qu'ils croient en la réalité des universaux» (Ibid. 18). La caractéristique du réaliste, en suivant l'exemple sémantique d'Armstrong8, consiste à soutenir que les deux occurrences sont identiques; ainsi «deux choses différentes ont la même masse, alors cela doit être pris strictement. Une seule et même chose, la masse» (Ibid. p. 18). Au contraire, le nominaliste, bien qu'il reconnaisse que les deux occurrences sont du même type (et par «type» il faut entendre «appartenant à une même classe»), il ne reconnaît pas qu'elles soient identiques. Par conséquent, le nominaliste soutient, en suivant Locke, que «les seules choses qui existent sont des particuliers» (Cité par Armstrong, 2010, p. 18) et donc qu'il n'y a pas des universaux.

David M. Armstrong note que l'exemple choisi est sémantique et il peut être appliqué à quoi que ce soit (Cf. Armstrong, 2010, p. 13). On peut néanmoins trouver deux objections à cette méthodologie. Elles ont été établies par Alain de Libera dans son livre La querelle des universaux (1996): (I) la première vise l'application de la thèse sémantique de Peirce, l'affaire des stylos. Ce dernier consiste à savoir combien de couleurs je vois, devant deux stylos de couloir noir9? (II) la deuxième objection repose sur la méthode de recherche prise par Libera pour son étude: «définir d'abord un cadre, un domaine de problèmes, un langage conceptuel, un "univers théorique" où les doctrines, les arguments, les problématiques prennent leur sens, leur identité, leur physionomie propres» (Libera, 1996, p. 24).

La première critique de Libera est: en quoi consiste-t-elle? La difficulté soulevée par Libera consiste à savoir si un réaliste ne voit pas deux choses noires dans la question des stylos. L'ennui est, selon l'auteur, qu'il s'agit d'une illusion optique du réaliste. Cette critique est épistémologique et elle concerne aussi la question de la perception; c'est-à-dire, le réaliste peut-il justifier sa croyance de voir deux noirceurs? Et, sous quelles conditions l'expérience perceptuelle du réaliste est-elle véridique? La critique adressée par Libera peut renverser le problème des universaux, en réduisant la querelle des universaux à un problème de perception. Bien que Libera ne vise pas cette conclusion, il l'en a pourtant formulée lors de sa critique. Donc l'argument de Libera peut être adressé tant au réaliste qu'au nominaliste. Dès lors, si on veut juger le réaliste à cause de son épistémologie et sa perception douteuse, il faudrait formuler un argument convaincant en se demandant pourquoi le nominaliste possède une épistémologie et une perception véridique. Cependant, prendre cette voie n'est-il pas interpréter la querelle comme un problème de perception et un problème épistémologique et laisser totalement de côté la question ontologique10?

C'est par cette dernière question qu'on introduit notre réponse à la deuxième critique adressée par Libera. Au moment d'établir la méthode à suivre pour sa recherche, Libera évite la question proprement ontologique. Ainsi, le problème des universaux se réduit, selon Libera, à la manière de dire l'argument de Ménon (Cf. Libera, 1996, p. 28). Dans l'exemple de Spade, Libera suit la métaphysique du sens commun et affirme que tant le réalisme que le nominalisme sont deux manières de voir la noirceur des stylos. Le problème des universaux se réduit alors à une phénoménologie et non à un problème ontologique. Or, le problème des universaux ne saurait se réduire à des questions relevant de la sémantique ou de l'épistémologie; au contraire il s'agit d'une question d'ordre ontologique, voire, métaphysique. Par conséquent, la méthode consiste à prendre au sérieux la question, tout en essayant de respecter les normes de l'interprétation. De ce fait, nous conservons le critère de Peirce-Armstrong et tenterons de donner une nouvelle lecture à la position de Thomas.

L'Aquinate et le problème des universaux

Thomas est un réaliste modéré. Devant la question des stylos, Thomas certainement affirmerait qu'il voit deux noirceurs dans les deux stylos; dans l'exemple sémantique d'Armstrong, Thomas soutiendrait qu'il y a deux occurrences d'une même classe11. Plus précisément, pour Thomas tout ce qui existe dans la réalité est particulier, l'universel existe seulement dans l'âme. C'est ce qu'on a appelé le réalisme modéré ou réalisme critique12. Comme nous le verrons, sa thèse s'enracine dans le texte suivant: «l'âme est en un sens tout13» (Summa theologiae [ST], Ia, q. 14, a. 1, ad respondeo). Dans la philosophie contemporaine, cette thèse est nommée «esprit/monde14», «une expression qui fait évidemment jeu de mots avec la théorie d'identité esprit/cerveau» (Kerr, 2008, p. 563). Anthony Kenny l'interprète de la manière suivante: «la forme existe, individualisée et matérialisée, dans le cheval réel; elle existe, immatérielle et universelle, dans mon esprit15» (cité par Pouivet, 1997, p. 49). Donc pour Thomas tout ce qui existe est un particulier, l'universel est un concept (Stump, 2003, p. 44).

Thomas a traité principalement cette question dans l'opuscule du De ente et essentia (DEE). C'est à partir dudit opuscule que nous exposerons la thèse centrale de l'Aquinate à propos des universaux, notamment à partir de la fin du chapitre deux et le troisième chapitre du DEE.

De ente et essentia

¿Dans le troisième chapitre, Thomas d'Aquin exposera l'essentiel sur les universaux. Il commence ledit chapitre en disant: «ayant vu ce que signifie le nom d'essence dans les substances composées, il reste à voir ses rapports avec les notions de genre, d'espèce ou de différence16» (DEE, III, p. 1-4). D. J. Lallement note dans son commentaire que le genre, l'espèce et la différence renvoient au terme «prédicable» et par conséquent au célèbre ouvrage de Porphyre: Isagoge (Lallement, 2001, p. 338). Nous pouvons lire dans les premières lignes de ce dernier:

¿«Puisqu'il est nécessaire, mon cher Chrysaorios, pour recevoir l'enseignement relatif aux catégories d'Aristote de savoir ce qu'est (1) un genre, (2) une différence, (3) une espèce, (4) un propre et (5) un accident, et puisque pour donner des définitions ainsi que pour ce qui concerne la division et la démonstration cette étude est utile, je te ferai un court exposé à ce sujet, en m'efforçant de parcourir, en bref, sous forme d'Introduction, ce que l'on trouve chez les plus anciens» (Porphyre, 1998, p. 1).

¿Bien que Thomas y fasse référence seulement à 3 des prédicables, il en fait par ailleurs référence aux 5 (Cf. Thomas, SCG, I, ch. 32). Dans son commentaire, D.J . Lallement explique l'absence des autres prédicables: «il n'est question, comme prédicables, que du genre, de l'espèce et de la différence, puisqu'il s'agit de comparer ces prédicables aux essences» (Lallement, 2001, p. 341-342).

Ayant présenté le sujet du chapitre III, Thomas commence son argumentation en déterminant que les notions de genre, d'espèce ou de différence ne conviennent pas à l'essence comprise comme partie:

«Or étant entendu que la notion de genre, d'espèce ou de différence est attribuée à ce singulier désigné, il est impossible que la notion d'universel, de genre ou d'espèce convienne à l'essence comprise comme partie, telle qu'elle est signifiée, par exemple, par les noms d'humanité ou d'animalité. C'est pourquoi Avicenne dit que la rationalité n'est pas la différence mais son principe, et pour la même raison, l'humanité n'est pas l'espèce ni l'animalité le genre» (DEE, Cap. III, 4-14).

Ensuite, Thomas s'attaque à la thèse platonicienne selon laquelle l'essence est une réalité existant en dehors des singuliers car elle ne nous permet pas une connaissance des singuliers:

«De même encore, on ne peut dire que les notions de genre ou d'espèce conviennent à l'essence en tant que réalité existant en dehors des choses singulières, comme l'affirmaient les platoniciens, car alors le genre et l'espèce ne pourraient pas être dits de tel individu: on ne peut pas dire, en effet, que Socrate soit ce qui est séparé de lui; qui plus est, cette réalité séparée ne servirait de rien pour la connaissance de ce singulier» (DEE, Cap. III, 14-20).

Après avoir déterminé les deux manières selon lesquelles nous ne devons pas comprendre l'essence, Thomas relève une manière selon laquelle nous pouvons la comprendre:

«Il reste donc que les notions de genre et d'espèce conviennent à l'essence en tant qu'elle est signifiée à la manière du tout, comme elle l'est par les noms d'homme ou d'animal, contenant implicitement et indistinctement tout ce qui est dans l'individu» (DEE, Cap. III, 20-25).

Donc les notions de genre et d'espèces correspondent à l'essence per modum totius. Comme le note Lallement: «cette troisième conclusion n'est cependant pas la solution complète du problème, parce qu'il reste à déterminer de quelle manière l'essence signifiée ainsi comme le tout peut revêtir l'aspect d'universalité» (Lallement, 2001, p. 350).

Voyons alors en quoi consiste la solution complète:

« Mais la nature ou l'essence ainsi entendue peut être considérée de deux manières: d'une première manière selon sa définition propre conçue de manière absolue. Dans ce cas, rien ne peut lui être attribué en vérité, sinon ce qui lui convient en tant que telle. L'attribution de quoi que ce soit d'autre serait fausse. Par exemple, à l'homme en tant qu'homme conviennent rationnel, animal et autres choses impliquées dans sa définition; mais blanc, noir ou n'importe quoi qui n'est pas du concept de l'humanité, cela ne convient pas à l'homme en tant qu'il est homme» (DEE, Cap. III, 26-37).

La nature ou essence entendue per modum totius peut être considérée de deux manières. La première (1) est selon sa raison propre ou selon le mode d'existence qui lui correspond - dans les singuliers ou dans l'esprit (Cf. Lallement, 2001, p. 360). Dans (1), comme l'Aquinate montre, le noir ou la calvitie ne peuvent pas lui être attribués. Il en conclut de ce qui vient d'être dit:

«Par conséquent, si l'on demande si cette nature ainsi considérée peut-elle être dite une ou multiple, on ne peut concéder ni l'une ni l'autre, parce que l'un comme l'autre est en dehors du concept17 d'humanité, et tantôt l'une tantôt l'autre conviennent à la nature humaine par accident. Si, en effet, la multiplicité appartenait à son concept, cette nature ne pourrait jamais être une réalité une, alors que cependant elle est une selon qu'elle est en Socrate.

De même si l'unité était de son concept ou de sa définition, alors il n'y aurait qu'une même et unique nature de Socrate et de Platon, et elle ne pourrait pas être multipliée en plusieurs». (DEE, Cap. III, 37-45).

Ici, Thomas reprend un argument classique à propos duquel on s'interroge pour savoir si l'humanité est universelle ou singulière: «si elle était universelle par essence, il n'y aurait pas d'hommes particuliers. Si au contraire, elle était singulière par essence, il n'existerait qu'un seul homme en qui s'épuiserait l'essence de l'humanité» (Tiercelin, 2004, p. 337). Donc il n'est ni un ni multiple. D. J. Lallement note en commentant ce texte que: «nous voyons que ces explications excluent, d'une manière très simple et très claire, et le nominalisme et le réalisme absolu» (Lallement, 2001, 353). Rappelons la définition du nominalisme : «d'Abélard à Rodriguez-Pereyra, j'ai caractérisé le nominalisme jusqu'à présent par l'idée que seuls les individus existent dans le monde et par le refus qui en découle de l'existence réelle des universaux» (Panaccio, 2012, p. 21). Donc, le nominaliste pense que la multiplicité appartient à un concept sans pourtant en être un. Le réalisme absolu (ou réalisme extrême) est la thèse de Platon, selon laquelle il n'y a qu'une seule nature, et par conséquent elle ne pourrait pas être multipliée en plusieurs.

L'Aquinate poursuit :

«D'une autre manière, la nature est considérée selon qu'elle a l'existence en tel ou tel, et alors on peut lui attribuer quelque chose par accident en raison de ce en quoi elle est; ainsi on dit que l'homme est blanc parce que Socrate est blanc, bien que cela ne convienne pas à l'homme en tant qu'homme» (DEE, Cap. III, 45-51).

Celle-ci est alors la deuxième manière (2), selon laquelle on peut considérer la nature (ou essence)18. Donc, la nature, nous dit Thomas, est considérée selon qu'elle a «l'existence en tel ou tel (habet in hoc vel in illo)» (Ibid.). La référence à la deuxième manière selon laquelle nous pouvons comprendre le terme «nature», introduit le texte clé, où l'auteur présente le réalisme adopté: «Or, cette nature a deux modes d'existence: l'un dans les singuliers, l'autre dans l'âme; et selon les deux modes d'existence elle subit des accidents» (DEE, Cap. III, 52-54) (C'est nous qui soulignons). Jacques Maritain, illustre cette thèse comme suit:19

En effet, Maritain énumère par le n. 3, les deux modes d'existence: (i) l'existence intentionnelle et (ii) l'existence de nature20. Le premier mode d'existence est celui qui se trouve dans l'esprit (c'est-à-dire dans l'âme), tandis que le deuxième est en dehors de l'esprit, le mode d'existence dans la chose (singulier). L'originalité de cette thèse, consiste à qu'il «n'y a pas que l'exister physique, et il n'y a pas que l'exister dans la connaissance» (Lallement, 2001, p. 356). C'est en effet la via media qui est adoptée par l'Aquinate.

Thomas poursuit en disant:

«Ainsi, dans les singuliers elle [la nature] a deux modes d'existence selon la diversité des singuliers, alors que cependant, à la nature elle-même considérée de la première manière, en elle seule, aucune de ces existences n'est due. Il est donc faux de dire que la nature de l'homme en tant que telle possède l'être dans ce singulier, car si être dans ce singulier convenait à l'homme en tant qu'homme, il n'y aurait jamais d'homme en dehors de ce singulier. De même, s'il convenait à l'homme en tant qu'homme de n'être pas dans un singulier, jamais il ne serait en lui. Mais il est vrai de dire que l'homme en tant qu'homme n'exige pas ni d'exister dans ce singulier ou dans celui-là, ni dans l'âme» (DEE, Cap. III, 55-67).

Ce texte vient récapituler tout ce qui a été dit. La nature, entendue selon la première manière (1), n'a pas deux modes d'existence. Au pire, il est faux de dire que sa nature (au sens métaphysique du terme) est d'être dans le singulier. C'est pour cette raison que Thomas en conclut:

«Il est donc clair que la nature de l'homme considérée absolument fait abstraction de tous les modes d'existence, de telle sorte cependant qu'elle ne les exclut pas. C'est cette nature ainsi considérée qui est prédiquée de tous les individus. Il est toutefois impossible que la notion d'universel convienne à la nature ainsi entendue, car il est de la définition de l'universel qu'il ait unité et communauté. Or à la nature humaine considérée absolument ne conviennent ni l'unité ni la communauté. Si en effet, être quelque chose de commun était de la notion d'homme, alors partout où l'on trouve l'humanité on trouverait quelque chose qui serait commun. Cependant cela est faux, parce que dans Socrate rien ne se trouve qui soit commun, mais tout ce qui est en lui est individué» (DEE, Cap. III, 68-82).

D.J. Lallement note à propos de ce texte:

«Ce que nous exposons en ce moment, c'est l'explication de ce qui est souvent dit d'une manière, me semble-t-il, trop brève dans les manuels, là où l'on traite le problème des universaux, à savoir que la nature est essentiellement la même, considérée en elle-même, considérée dans les singuliers, considérée dans l'intelligence, mais que cela fait trois conditions de cette nature, qui entraînent qu'on peut ou qu'on ne peut pas lui donner certains attributs. Les attributs essentiels se rencontreront naturellement partout, mais, quand vous considérez la nature en elle-même, ces attributs essentiels sont seuls, tandis que, quand vous considérez la nature existant ici ou là, elle a des attributs accidentels dénominatifs qui ne peuvent lui convenir que selon telle ou telle existence. C'est certainement là le fond de ce qu'on appelle le réalisme modéré ou réalisme critique» (Lallement, 2001, p. 363-364).

Par conséquent ce que nous révèle Thomas est l'essence de l'universel. Lorsque D.J. Lallement insiste sur le fait que l'essence de l'universel est d'être considérée en elle-même, dans les singuliers et dans l'intelligence, il insiste sur une thèse originale et intéressante: la thèse d'identité âme/monde postulée par Thomas. Il s'agit d'une seule (μία) réalité, celle de l'âme/monde. Or, comment la nature est-elle commune à plusieurs sujets? La nature est commune par une considération de l'âme, lorsque nous faisons abstraction des particularisations réelles (Cf. Lallement, 2001, p. 380).

Nous parvenons, alors, à la conclusion principale sur le problème des universaux, où Thomas conclut comme suit:

«On ne peut pas dire non plus que la notion de genre ou d'espèce survienne à la nature humaine en tant qu'elle possède l'être dans les individus car dans les individus on ne trouve pas la nature humaine comme une unité qui fait qu'elle est quelque chose d'unique convenant à tous, ce qu'exige la notion d'universalité. Il reste donc que la notion d'espèce survient à la nature humaine selon le mode d'existence qu'elle a dans l'intelligence. Cette nature humaine a, en effet, dans l'intelligence un être abstrait de tout ce qui est individuant, et en raison de cela, elle a un rapport uniforme à tous les individus qui sont en dehors de l'âme, du fait qu'elle est, au même degré, similitude de tous et conduit à la connaissance de tous en tant qu'ils sont des hommes. Et de là qu'elle possède une telle relation à tous les individus, l'intelligence découvre la notion d'espèce et l'attribue à la nature en cet état. C'est pourquoi le commentateur dit au début du De l'âme, que "l'intelligence est ce qui fait l'universalité dans les objets". C'est aussi ce qu'Avicenne dit dans sa Métaphysique» (DEE, Cap. III, 82-102) (C'est nous qui soulignons).

Thomas commence en mettant à l'évidence que la nature humaine est multipliée dans les individus, raison pour laquelle nous ne pouvons pas trouver là son unité. Il attribue alors l'universalité au mode d'existence dans l'âme. Elle l'est alors en tant que similitude présente dans l'âme (universale in repraesentando) ou en tant que prédicable (universale in praedicando). Cependant, il ne faut pas tomber dans l'erreur d'Avérroès (auquel il s'attaquera par la suite) selon laquelle la forme dans l'âme devient l'idée des platoniciens. Thomas n'est pas un platonicien dans l'âme; en conséquence: «l'universalité n'appartient pas à cette forme, selon l'être qu'elle possède dans l'intellect, mais de ce qu'elle a rapport aux choses comme leur ressemblance» (DEE, Cap. III, 110-113) (C'est nous qui soulignons). Or ce texte ne vient pas contredire le texte précédent, mais, bien au contraire il vient préciser comment nous devons comprendre l'universalité.

Nous concluons:

«Ainsi on voit quel est le rapport de l'essence ou de la nature à la notion d'espèce: la notion d'espèce n'est pas quelque chose qui convient à l'essence selon qu'elle est considérée absolument, et ce n'est pas non plus un des accidents qui lui convient selon le mode d'existence qu'elle a en dehors de l'âme, comme la blancheur ou la noirceur; mais c'est l'un des accidents qui convient à l'essence selon le mode d'existence qu'elle a dans l'intelligence. C'est aussi de cette manière que lui conviennent les notions de genre et de différence» (DEE, Cap. III, 147-155).

La voie de Thomas dans la métaphysique contemporaine: réalisme, nominalisme ou particularisme?

Dans la littérature contemporaine sur les universaux, il est généralement admis qu'il y a trois solutions prometteuses: (TU) la théorie des universaux, (TT) la théorie de tropes et (NR) le nominalisme de la ressemblance. Ces trois théories furent particulièrement défendues par David M. Armstrong, Keith Capmbell et Gonzalo Rodriguez-Pereyra (Cf. Rodriguez-Pereyra, p. 2003). La question est, alors, de savoir s'il est possible de défendre un réalisme thomasien. Dans la ligne du réalisme, «il y a au moins trois théories particulièrement influentes» (Varzi, 2010, p. 64): (1) ceux qui soutiennent que les universaux existent ante rem (Donagan, Butcharov, Zalta, Bealer, Chisholm); (2) la position aristotélicienne selon laquelle les universaux existent seulement in rebus (Bergmann, Wolterstorff, Loux, Grossmann, Mellor); (3) la position intermédiaire selon laquelle les universaux existent intemporellement dans la mesure qu'ils sont exemplifiés (Armstrong, Swoyer, Heil) (Cf. Varzi, 2010, p. 64).

David Malet Armstrong note dans son livre Nominalism and Realism: «Je ne connais aucun Particulariste qui ait opté pour une solution en termes de prédicats ou des concepts» (Armstrong, 1978, p. 83). Ces paroles peuvent nous prévenir sur les possibles risques de la voie thomasienne. Armstrong ajoutera plus loin:

«Avant de quitter ce sujet, nous pouvons survoler le point de vue scolastique selon lequel les essences (grosso modo: propriétés) ne sont ni universelles ni particulières. Quelques fois, ce point de vue est traduit en disant que l'essence est un universel dans l'esprit [mind] (c.à.d. en tant que concept), mais particulier dans la chose. Cette thèse ressemble à l'adoption du Particularisme avec le Nominalisme Conceptuel. C'est là, sans doute, la position de Thomas d'Aquin» (Armstrong, 1978, p. 87).

Selon Armstrong, Thomas est un particulariste mais il pourrait être aussi un nominaliste conceptuel. Dans la présentation du réalisme modéré dans son livre Qu'est-ce que la métaphysique?, Frédéric Nef dit à propos de cette position:

«Le réalisme de ce type pose que les universaux existent en tant qu'ils sont dans ou auprès des particuliers. Le THOMISME ANALYTIQUE est une version de réalisme modéré qui entend reconstruire ce genre de position à partir d'une lecture analytique de Thomas d'Aquin, entendu comme le champion de cette position. Il diffère donc du réalisme modéré des universaux, d'un Armstrong par exemple, par son non-physicalisme et par son théisme» (Nef, 2004, p. 632-633).

Indiquons une première remarque concernant le commentaire de Nef: étant donné que nous pouvons parler d'une thèse ante rem des universaux21 chez Thomas, ce dernier diffère d'Arsmtrong. Cependant, la position de Thomas n'implique pas un non-physicalisme à propos des universaux22. Notre deuxième remarque concerne la présentation de la thèse de Thomas par Nef. Pour Thomas, les universaux existent dans l'âme, mais ils sont réels en tant qu'ils sont dans les particuliers. On peut parler d'une dépendance ontologique. Une troisième remarque concerne le terme «réalisme». Thomas est souvent considéré comme un réaliste modéré, puisqu'il accepte de parler des universaux. Mais qu'est-ce que cela veut dire réellement? D. W. Mertz définit comme suit le réalisme modéré:

«La conjonction de principes SU, IU et IR constitue, en partie, le réalisme modéré des scolastiques et à ce titre représente une via media entre la pauvreté du nominalisme et les excès du réalisme platonicien. Selon les scolastiques, l'intension Rn, l'universel métaphysique ou potentiels, n'est ni universel, ni particulier. Lorsqu'il est conçu en relation à un acte additionnel de réflexion intellectuelle pour être prédicable de plusieurs, l'intension Rn est décrite comme un universel logique ou formel et en tant que tel il existe seulement dans l'esprit. Pourtant, de manière identique le contenu Rn existe individué 'dans' chaque sujet de la prédication. Le point faible du réalisme modéré classique a été d'expliquer comment l'intension Rn peut être prédiquée d'un seul ensemble de relata lorsqu'il est 'individué dans (ou entre)' eux, et abstrait de l'ensemble, est universel, en étant potentiellement prédicable d'un numéro indéfinie d'ensembles de relata» (Mertz, 1996, 12).

Par (SU) Mertz désigne le «principe de sujet unique»; par (IU) le «principe d'instance unique et par (IR) il s'agit du «principe du réalisme d'instance immanent». (SU) consiste à dire que «aucune propriété unique a plus d'un sujet» (Mertz, 1996, p. 125). (IU) affirme «que le même sujet ne peut pas avoir des instances numériquement distinctes de la même propriété» (Ibid.). Quant à (IR), il consiste à dire «qu'il y a une entité commune R laquelle est numériquement identique aux instances Ri, Rj, ... » (Ibid.). La définition donnée par Mertz correspond à la position de Thomas. Nonobstant, nous voudrions critiquer cette appellation.

Si nous revenons au critère Peirce-Armstrong du token/type, quelle position devons-nous affirmer de Thomas? Nous avons déterminé (en suivant Armstrong) que le réaliste est celui qui voit deux occurrences du même type. Thomas est-il un réaliste ou un nominaliste? Dans la SC, Thomas note:

«De plus, ce qui est commun à plusieurs n'est rien en dehors de cette pluralité, sinon par la notion: animal n'est rien hors de Socrate et Platon et des autres animaux, sinon dans l'intellect qui appréhende la forme de l'animal, dépouillée (exspoliatam) de tout ce qui l'individue et la spécifie» (SC23, 26, 5).

Thomas est alors un réaliste au sens où l'universel se trouve dans l'intellect. Mais il faut noter avec Thomas, que «animal» n'est rien hors des particuliers. Ne serait-il pas, alors, plus correct de dire que l'Aquinate voit deux occurrences de la même classe? Si on répond par l'affirmative, on affirme qu'il est un nominaliste24. En effet, un nominaliste est celui qui accepte une ressemblance, mais non pas une identité au sens strict, au sens qu'il s'agit du même. Lorsque nous utilisons le terme «même», c'est dans le sens: «j'ai vu le même homme le matin et le soir», c'est-à-dire dans les deux occasions il s'agissait de la même personne (une seule personne). C'est la raison pour laquelle il nous faut dire, en suivant l'ontologie de l'Aquinate, que le Christ assuma le particulier:

«Le Verbe de Dieu, dit Jean Damascène, n'a pas pris une nature humaine universelle, mais individuelle. Autrement, il faudrait admettre qu'il convient à tout homme, aussi bien qu'au Christ, d'être le Verbe de Dieu. Mais il faut savoir que tout ce qui, dans le genre substance, est individuel, même s'il s'agit d'une nature rationnelle, ne constitue pas nécessairement une personne; il faut pour cela qu'il existe par soi et non dans un être supérieur» (ST III, q. 2, a. 2, ad tertium).

Si Thomas avait adopté un réalisme, il aurait fallu affirmer que le Christ assuma la même nature que Paul (et Pierre, et Jean, etc.). Lorsqu'on affirme que le Christ assuma «la même» nature, il faut entendre qu'ils ont «une seule» nature. Donc il conviendrait à tout homme d'être le Verbe de Dieu. Cependant il serait faux de dire cela. Donc, si nous suivons la terminologie employée par Peirce-Arsmtrong, il faut parler de Thomas comme un nominaliste, puisque selon lui il y a deux occurrences d'une même classe. Paradoxalement, Thomas ne peut pas être considéré comme nominaliste au sens où le nominalisme n'accepte pas les universaux25. On peut être alors tenté de conclure que le critère Peirce-Armstrong n'est pas un outil pertinent pour aborder le problème des universaux. Au contraire, nous pensons qu'il nous permet de voir le problème essentiel de l'identité enfermé dans le problème des universaux, raison pour laquelle nous ne rejetons pas ce critère. Sans doute, c'est la raison pour laquelle Armstrong parle de Thomas comme un particulariste ou un nominaliste conceptuel. Cela étant dit, la question devient alors: Thomas peut-il être classé parmi les particularistes ou nominalistes conceptuels?

Examinons pourquoi Thomas pourrait être un particulariste. Varzi note: «dans la période récente, une troisième position, qui se situe à mi chemin entre le nominalisme et le réalisme, [...] et que nous pouvons appeler particularisme, a acquis un certain crédit» (Varzi, 2010, p. 74). Selon Roger Pouivet, le particularisme est la thèse selon laquelle « ce qui existe vraiment ce sont des particuliers concrets possédant une certaine nature» (Pouivet, 2004, p. 387). Autrement dit:

«Le philosophe qui se reconnaît dans cette position s'accorde avec le nominaliste pour qui la sémantique d'un énoncé élémentaire ne prend en compte que des particuliers, mais aussi avec le réaliste pour qui cette sémantique doit également prendre au sérieux l'hypothèse qu'il existe une entité correspondant au terme en position de prédicat» (Varzi, 2010, p. 75).

«dans la conception particulariste, dire que Jean est sage n'est rien d'autre qu'asserter l'existence d'une entité très spéciale: la sagesse de Jean» (Varzi, 2010, p. 76).

Thomas peut être alors particulariste au sens qu'il accepte une entité26, plus précisément l'universel existant dans l'âme. Une grande partie de particularistes emprunte la voie des tropes27. Nonobstant, nous trouvons un autre type de philosophes qui sont particularistes, chacun à leur façon: Aristote, Thomas d'Aquin, Thomas Reid, S. Hampshire, P. Strawson, M. J. Loux, J. Haldane, E. J. Lowe (Pouivet, 2004, p. 387) David Armstrong28 et Roger Pouivet (liste non exhaustive). Selon ce dernier, «l'indépendance ontologique du particulier peut s'expliquer en termes d'implication existentielle asymétrique. Si l'existence de x implique l'existence de y, et que le contraire n'est pas vrai, alors y est indépendant de x» (Pouivet, 2004, p. 388). Ainsi tout particulier se caractérise par le fait d'exister indépendamment de toute autre chose. Il est important de remarquer que «le particulier est asymétriquement indépendant de toutes les autres sortes d'entités, alors que toutes les autres sortes d'entités sont asymétriquement dépendantes du particulier» (Ibid.). Gary Rosenktrantz note aussi qu'un «particulier est une entité qui n'est pas universel» (Rosenktrantz, 2003, p. 53). Un particulariste est alors celui qui voit dans les deux stylos noirs deux noirceurs, et non un universel. Donc nous pouvons penser que Thomas est un particulariste qui accepte l'existence des universaux dans l'esprit.

Thomas pourrait-il être un nominaliste conceptuel? Le métaphysicien «peut fort bien soutenir une option conceptualiste (au sens historique du terme) et n'être pas anti-réaliste» (Monnoyer, 2004, p. 15). C'était aussi le point de vue de Duns Scott et de C. S. Peirce lorsqu'il défendait que ce qui est de la nature de la pensée peut être réel (Cf. Tiercelin, 2004, p. 345). Dès lors, comme le note Claudine Tiercelin, la voie «esse anima et esse extra animam est fausse; les universaux sont incontestablement des mots ou des concepts. La vraie question est: ne sont-ils que cela?» (Tiercelin, 2004, p. 348). Autrement dit, le réalisme de Thomas d'Aquin (comme l'est celui de Duns Scot) consiste à «prouver qu'un concept peut avoir une réalité, au sens où il y a bien quelque chose de réel à propos de quoi le concept est vrai» (Tiercelin, 2004, p. 349).

George Bealer présente dans son article sur le concept (1995) trois thèses conceptualistes: un nominalisme conceptuel, un conceptualisme et un réalisme conceptuel. Pour le nominaliste qui accepte seulement des particuliers, le concept peut se réduire à des collections de particuliers. Le conceptualisme accepte l'existence des concepts dépendants de l'âme (ou esprit). Pour le réaliste, les concepts existent indépendamment de l'âme (ou esprit) (Bealer, 1995, p. 89). Selon la présentation de Bealer, Thomas pourrait être considéré réaliste conceptuel.

Retournons à Armstrong. Dans son introduction partisane sur les universaux, Armstrong présente brièvement la position scolastique (de Thomas?) comme suit:

«universalia post res, les "universaux après les choses". Elle fut appliquée aux théories nominalistes. Elle correspond mieux au nominalisme conceptuel ou au nominalisme des prédicats, pour lesquels les propriétés, etc., sont pour ainsi dire créées par l'esprit classificateur, comme des ombres projetées sur les choses par nos prédicats ou nos concepts» (Armstrong, 2010, p. 98).

Bien que le philosophe australien ne fasse pas allusion à Thomas, on peut assumer qu'il visait sa position (Armstrong, 1978, p. 87). Le particularisme cette fois-ci est laissé de côté pour y introduire un nominalisme de prédicats. Selon Rodriguez-Pereyra le nominalisme des prédicats soutient que lorsque nous parlons de l'affaire de stylos, il n'y a pas une noirceur (universel). Donc un stylo est noir car le prédicat «noir» s'applique à lui (Rodriguez-Pereyra, 2011). Quant au nominalisme conceptuel, il affirme également qu'il n'y a pas la noirceur (universel), mais le stylo est noir car il tombe sur le même concept noir (Ibid.).

Tout d'abord il faut noter que la position de Thomas est un ensemble de plusieurs positions. C'est la raison pour laquelle nous avons abordé plusieurs définitions et thèses présentées par les philosophes contemporains. Il s'agit donc de savoir, selon les termes contemporains, ce que nous avons en face. Le nominalisme des prédicats ne correspond pas à la thèse de Thomas, puisque le philosophe médiéval accepte l'universel. Le nominalisme conceptuel ne correspond pas à la thèse de Thomas pour la même raison. Nonobstant, ces deux thèses d'un certain point de vue peuvent correspondre à la thèse de l'Aquinate. Nous concluons alors que Thomas pourrait être considéré comme un particulariste ou comme un réaliste conceptuel qui accepte dans le deux cas l'universel dans l'âme. Ce mode d'existence est un mélange (ensemble) entre le nominalisme conceptuel et le nominalisme de prédicats mais qui se différencie d'eux, par le fait qu'il accepte l'universel comme dépendant de sa réalité extérieure29 et qu'il affirme qu'il existe seulement (en dehors de l'âme) les particuliers.

Une solution prometteuse?

S'il y a trois thèses prometteuses, comme nous l'avons indiqué plus haut, il nous faudra choisir entre (TU), (NR) et (TT). Cela implique que nous devrons désormais adopter la terminologie de Rodriguez-Pereyra concernant le problème des universaux. La question consiste à savoir si Thomas d'Aquin entre dans une de ces trois thèses ou si au contraire nous pouvons postuler (comment et pourquoi?) une thèse thomasienne dans les discussions métaphysiques contemporaines.

Bien que les trois thèses posent de nombreuses difficultés, selon Rodriguez-Pereyra il est tout à fait possible de les surmonter. La question est alors: quel choix devons-nous suivre? S'il nous faut choisir entre une des trois thèses, Rodriguez-Pereyra nous propose de le faire à partir des critères suivants: (1) cohérence interne, (2) économie ontologique (la vertu théorique des philosophes30) et (3) économie d'entités ad hoc (Cf. Rodriguez-Pereyra, 2003, p. 7). Rapidement nous voyons que (NR) est la meilleure thèse, notamment parce qu'elle implique une économie ontologique et une économie d'entités ad hoc. (TU) est la moins économique car elle suppose tantôt les universaux tantôt les particuliers. Or la position de Thomas d'Aquin a une particularité. Elle n'implique pas une entité ad hoc. En effet, l'universel n'est pas une entité.

Ayant présenté les différentes positions et les critères qui nous permettent de savoir quelle est la meilleure thèse, nous voudrions postuler la thèse de Thomas d'Aquin comme un réalisme intentionnel (puisque l'universel existe selon son mode d'existence intentionnel) (RI). Celui-ci a l'avantage de (NR) et (TT), puisque pour (RI) il y a que des particuliers, malgré l'existence des universaux. En termes d'entités ad hoc, il présente les mêmes avantages que (NR), car il y a seulement deux particuliers (au lieu de quatre). Donc pourquoi choisir (RI) plutôt que (NR)? Pour nous la réponse se trouve en (1): cohérence interne. En acceptant l'universel, Thomas rend compte d'une manière plus cohérente, l'identité entre les particuliers. C'est la raison pour laquelle nous croyons que (RI) est une solution prometteuse31.

Citations footer

1. Nous reprenons ici la célèbre expression utilisée par Jonathan Barnes dans son article «Le soleil de Platon vu avec des lunettes analytiques» (1991).  

2. On peut retrouver un début du problème chez Platon dans le Phédon: «Il est en effet évident pour moi que, si la beauté appartient à quelque chose encore hors du Beau en soi, il n'y a absolument aucune autre raison que cette chose soit belle, sinon qu'elle participe au Beau dont il s'agit» (Platon, 1926, p. 72-73).

3. Le mot «universaux» vient du latin «universalis», ce dernier dérivé de l'adjectif «universus»; son neutre pluriel est «universalia» qui se traduit en grec par «τò ὅλον». Ce dernier se traduit en français par «tout» ou «totalité» (Beuchot, 2010, p. 30).  

4. Bien que Libera affirme que la «querelle des universaux n'est pas le problème des universaux» (Libera, 1996, p. 28), on ne suivra pas cette distinction et on utilisera les termes comme synonymes. Le choix de Libera est justifié pour sa conception du problème: «le problème des universaux n'est pas un problème philosophique éternel, une question qui traverserait l'histoire par-délà les ruptures épistémologiques, les révolutions scientifiques et autres changements d'épistémés: c'est un révélateur de ces changements ...» (Libera, 1996, p. 13).  

5. La philosophie médiévale a rencontré cette problématique avec Porphyre «au début de son «introduction» (Isagogè) à la logique d'Aristote» (Panaccio, 2012, p. 35). Le problème prenait la forme de trois questions: «- les genres et les espèces existent-ils hors de l'esprit ou dans la pensée seulement? - sont-ils corporels ou incorporels? - existent-ils dans les choses sensibles ou séparés d'elles?» (Ibid.).

6. Nous suivons la numérotation de l'article disponible sur internet.  

7. P. V. Spade utilise le même argument en 1994 (Spade, 1994, p. vii). Spade ne fait pas référence ni à Peirce ni à Armstrong. Ce qu'on appelle la question des stylos est formulé en 1985 (Spade, 1985).  

8. Armstrong «soutient qu'il existe des universaux, parallèlement aux particuliers, à condition qu'ils remplissent la double condition suivante: ne pas contredire au réalisme scientifique et être instanciés dans des particuliers» (Nef, 2007, p. 120).

9. Alain de Libera, dans son livre La querelle des universaux de Platon à la fin du Moyen âge, fait référence à P. V. Spade qui illustre le problème des universaux de manière similaire à Armstrong: «j'ai devant moi deux stylos à bille noirs. Le point crucial est: combien de couleurs vois-je? Deux réponses s'offrent. La première: je vois une seule couleur - la noirceur (blackness) qui est «simultanément partagée par les deux stylos ou commune aux deux» - une seule et même couleur donc, bien qu'inhérente à deux endroits différents. Cette position, ce que Spade appelle «croire aux universaux», est le réalisme: admettre que des «entités universelles» comme la noirceur sont partagées par toutes les choses qui présentent une même propriété (ici, être noires) et qu'à ce titre elles leur sont communes. à l'opposé, évidemment, le nominaliste est caractérisé comme celui qui voit deux noirceurs, autant de noirceurs que de stylos. Deux noirceurs qui sont «semblables», certes, mais qu'«il suffit de regarder pour voir qu'elles ne sont et n'en restent pas moins deux noirceurs». (Libera, 1996, p. 18).

10. Claude Panaccio note: «Dans le cas qui nous occupe, les phénomènes pertinents sont d'abord et avant tout cognitifs et sémantiques [...] C'est à cela que tient en dernière analyse l'opposition des nominalistes et des réalistes: les premiers n'acceptent dans le monde extérieur que des entités singulières, - cet homme, ce cheval, cette plage de rouge - et veulent expliquer par le fonctionnement du langage ou celui de l'esprit les phénomènes de catégorisation, d'abstraction ou de conceptualisation générale; les seconds, au contraire, pensent qu'il y a dans la réalité, indépendamment de nous, des unités autres qu'individuelles, des genres et des espèces par exemple, des propriétés générales ou des entités abstraites comme des nombres, des ensembles, des natures communes ou des valeurs. Le désaccord à la base concerne l'ontologie - quelle sorte de choses y a-t-il dans le monde? - et s'étend à partir de là à presque tous les secteurs de la philosophie, en particulier à la théorie de la connaissance et à la philosophie de l'esprit, des sciences et du langage» (C'est nous qui soulignons) (2012, p. 10-11). Or le problème est-il d'abord ontologique ou cognitif et sémantique? Pour nous, il s'agit sans doute d'un problème ontologique puis épistémologique.  

11. Soutenir qu'il y a deux occurrences d'une même classe reste néanmoins problématique. Nous traiterons ce problème plus loin.  

12. Ou réalisme immanentiste (Panaccio, 2012, p. 15). L'appellation «réalisme critique» était un choix opéré par exemple par Jacques Maritain: «Permettez-moi de préciser tout d'abord que par le nom de réalisme critique [...] j'entends désigner les idées de saint Thomas d'Aquin» (1931, p. 1). Aussi le terme est utilisé par le chanoine Lallement (2001). Cependant le terme «réalisme critique» désigne aussi «la philosophie qui de façon générique, essaye d'intégrer les recherches positives tant du Nouveau réalisme que de l'idéalisme» (Delaney, 1999, p. 194).

13. «Anima est quodammodo omnia». Nous traduirons différemment cette phrase selon le sujet traité.

14. La thèse de l'esprit/monde, c'est la thèse de Thomas d'Aquin «âme/monde». Le terme esprit est adopté par le philosophe John Haldane dans son adaptation de la philosophie de l'Aquinate à la philosophie de l'esprit (philosophy of mind).  

15. A. Kenny (1984). The Legacy of Wittgenstein, Oxford: Blackwell, p. 62.  

16. C'est nous qui traduisons.  

17. Afin d'analyser ce texte, il faut d'abord préciser quelques concepts utilisés qui nous seront utiles par la suite. Dans le texte, on a traduit le terme «intellectus» par le terme concept. On aurait pu aussi traduire le terme «intellectus» par: perception, sens ou signification et intellect en tant que faculté de comprendre (Cf. Gaffiot, 2008, p. 846).  

18. Pour la première, voir supra: DEE, Cap. III, 26-37.

19. Maritain se référait au British New Realism.  

20. On peut remarquer que l'auteur fait référence au texte du DEE, lorsqu'il utilise les termes: «ayant ici», «ayant là», car il s'agit d'une façon possible de traduire le texte latin: «habet in hoc vel in illo» (DEE, Cap. III, 46-47).  

21. Thomas est un ensemble de deux types de réalisme. Premièrement, il y a la thèse selon laquelle les universaux sont ante rem en Dieu (ST, Ia, q. 16, a. 1, ad respondeo) car il est le créateur de tout ce qui existe. Deuxièmement, la position de Thomas correspond à la thèse selon laquelle les universaux sont post rem (c'est-à-dire conceptuelle) dans l'âme. Cependant, la première thèse est souvent contestée dans la littérature thomiste, par exemple Francis Clarke qui n'accepte pas l'existence ante rem (1962). Il y a aussi la thèse selon laquelle Thomas est un ensemble de trois types de réalisme: ante rem, in re et post rem. Celle-ci est la théorie néoplatonicienne des «trois états de l'universel» (Libera, 2002, p. 481). Le réalisme in re peut être dit de Thomas, si l'on entend par là que l'universel dépend de l'existence de la chose.

22. La lecture thomasienne que nous commettons dans cet article montre justement que la thèse de Thomas peut être comprise aujourd'hui comme une thèse plutôt physicaliste.  

23. Nous empruntons cette référence à Mertz (1996, p. 126).  

24. Lallement dit à propos de la thèse de Thomas: «Mais nous nous trouvons alors, et vous allez vous en rendre compte dans toute la suite du chapitre, devant une difficulté, qui est en réalité la grande difficulté dans le problème des universaux. Cette difficulté, c'est celle-ci: l'essence pensée à la manière du tout dans le singulier inclut de fait la matière individuelle et, à cause de la matière individuelle, est tout entière individualisée; c'est-à-dire qu'elle est, en chaque singulier, une réalité unique, n'ayant rien de réellement commun avec l'essence d'un autre singulier; il n'y a rien de réellement commun, d'ontologiquement commun en Socrate et en Platon. Il faut aller jusque-là pour bien voir que nous pouvons poser l'identité:  

Socrate est une certaine essence, Platon est une certaine essence alors que Socrate et Platon sont chacun un être unique, ontologiquement différente de l'autre. C'est un fait qu'il est extrêmement difficile à l'esprit humain de se maintenir devant cette vérité de l'unicité de chaque singulier sans tomber dans le nominalisme» (2001, p. 346).

25. Il faut noter que «le mot 'Nominalisme', tel qu'il est utilisé par les philosophes contemporains dans la tradition anglo-américaine, est ambigüe. Dans un sens, le sens le plus traditionnel hérité du Moyen âge, il implique le rejet des universaux. Dans un autre sens, plus moderne mais tout aussi enraciné, il implique le rejet des objets abstraits» (Rodriguez-Pereyra, 2011).  

26. Ici nous n'entendons pas par «entité» une chose ou un être.  

27. Il est important de remarquer les deux sens du terme «particularisme»: «Le particularisme ontologique soutient que les entités de base de l'ontologie sont des particuliers (et donc pas des universels). Ces particuliers peuvent êtres des individus (nominalisme), des particuliers abstraits ou tropes (tropisme) [...] Le mot "particularism" a été utilisé récemment par Kit Fine dans un sens un peu différent: pour désigner les doctrines qui acceptent de faire la différence entre objets et propriétés. Il est exact que le particularisme tropiste fait cette différence, mais pas le nominalisme qui n'accepte que des prédicats, équivalant formellement à des classes d'individus. On peut donc discuter de l'emploi de ce terme et il peut sembler judicieux de distinguer le particularisme au sens qui vient d'être défini, qui s'oppose à l'universalisme (par exemple platonicien), et le particularisme au sens de Kit Fine qui s'oppose au généralisme (par exemple au sens de Russell ou de Quine). Cela dit, ces deux types de particularisme se recouvrent en partie» (Nef, 2009, p. 332).  

28. David Armstrong adopte une ontologie d'états de choses composées de particuliers.

29. Il y a de ce fait une dépendance ontologique.

30. Selon le philosophe argentin.  

31. Je tiens à remercier Frédéric Nef et Stasinos Stavrianeas pour les échanges stimulants que nous avons eus et pour les nombreuses suggestions à l'occasion de nos discussions.  


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